De la pile à l’usine : l’invention extraordinaire de la « fée électricité »

Découverte par les Grecs en 600 avant notre ère, il faudra attendre le XIXe siècle pour que l’électricité commence à être utilisée à des fins industrielles et domestiques. De la pile électrique à internet, en passant par le téléphone et l’ampoule, le monde en sera changé à tout jamais ! La fusion nucléaire sera-t-elle la prochaine étape de cette histoire extraordinaire ?
Par Arnaud Pagès

C’est au XVIIe siècle que William Gilbert, astronome, physicien et premier médecin de la reine d’Angleterre Elisabeth 1er, inventa le mot électricité, formé à partir du mot grec elektron, qui désigne l’ambre jaune, connue depuis l’antiquité pour ses propriétés électro-magnétiques. Sous l’impulsion d’un grand nombre de chercheurs intrigués par ce phénomène, les découvertes vont se multiplier pendant le XVIIIe siècle.
En 1729, le britannique Stephen Gray, un teinturier passionné par la physique, découvre la conduction électrique en réalisant des expériences électrostatiques. Il sera le premier à établir qu’il existe des corps pouvant conduire le courant, et d’autres qui l’en isolent.
À la toute fin du siècle, le scientifique italien Alessandro Volta, crée la première pile électrique. Deux ans plus tard, le Moniteur Universel détaille le fonctionnement de cette découverte révolutionnaire dans son édition du 23 décembre 1801 :
« De même que l’électricité de la colonne s’accumule dans le condensateur, elle s’accumulera dans l’intérieur d’une bouteille de Leyde, dont l’extérieur communiquera avec le réservoir commun ;
et comme, à mesure que la pile se décharge, elle se recharge aux dépens de ce même réservoir, la bouteille se rechargera également, quelle que soit sa capacité ;
mais sa tension intérieure ne pourra jamais excéder celle qui a lieu au sommet de la pile : si on retire alors la bouteille, elle donnera la commotion correspondante à ce degré de tension, et c’est ce que l’expérience confirme. »

Gazette nationale ou le Moniteur universel 23 décembre 1801

Il faudra attendre 1822 et la mise au point du premier moteur électrique rotatif par le physicien anglais Peter Barlow pour que cette « nouvelle » source d’énergie soit envisagée comme un outil. Pendant ce temps en France, le Français André-Marie Ampère – qui donnera son nom à l’unité d’intensité du courant électrique – a mis au point l’électroaimant. Les découvertes vont alors s’enchaîner à un rythme soutenu !
Le scientifique et chercheur américain Samuel Morse invente le premier télégraphe électrique, plus pratique, plus rapide et moins coûteux que les précédentes tentatives, et le fait breveter en 1840. Quatre ans plus tard, le premier télégramme est envoyé.
Cette innovation majeure dans l’histoire de la transmission d’informations révèle rapidement tout son potentiel, comme le relate le Moniteur Universel dans son édition du 5 février 1850 :
« A l’aide d’un télégraphe électrique, les stations où résident les machines sont averties de l’arrêt d’un train sur la voie ; des mesures peuvent être prises en conséquence.
On peut suivre pas à pas, pour ainsi dire, la marche d’un convoi.
Le télégraphe électrique remédie aussi, du point de vue de la sécurité, aux inconvénients qui sont la conséquence de l’expédition de trains extraordinaires, non annoncés. Lorsque de pareils trains deviennent indispensables, le télégraphe électrique en prévient toutes les stations, et l’ordre peut être communiqué immédiatement aux gardiens chargés de la surveillance de la voie. […]
Le télégraphe électrique est donc le complément indispensable des lignes ferrées ; il en doit suivre le développement. »

Gazette nationale ou le Moniteur universel 5 février 1850

En 1870, Zenobe Gramme, un menuisier belge passionné par l’innovation mécanique et l’électricité, réalise l’exploit de faire fonctionner une dynamo à courant continu : il arrive à stabiliser l’énergie de l’électricité. Son invention conduira à la création du premier générateur de courant suffisamment puissant et durable pour être utilisé à grande échelle.
Dans son édition du 14 décembre 1880, le grand quotidien Le Temps revient sur cette invention capitale :
« Les grands développements de l’électricité en tant que puissance industrielle ne datent guère que de l’invention faite en 1870 par un ouvrier nommé Gramme ; l’induit mobile de Gramme est un anneau qui tourne autour de son centre et dans son plan ; on peut le considérer comme un électro-aimant droit qu’on aurait courbé en cercle. »

Le Temps 14 décembre 1880

Dès lors, l’électricité fait son apparition dans l’ensemble de la production industrielle européenne en s’infiltrant au cœur des usine et augmentant les rendements, tout en faisant largement baisser la pénibilité du travail.
Dans le même mouvement, deux autres inventions majeures vont faire faire un saut de géant aux télécommunications et à l’éclairage.
En 1854, l’inventeur franco-belge Charles Bourseul crée une machine électrique rudimentaire permettant de communiquer par la voix à distance. Un peu plus de vingt ans plus tard, l’ingénieur américain Graham Bell dépose – bien qu’il n’en soit pas le concepteur – le brevet du téléphone : il fera connaître ce nouvel appareil au grand public, lui assurant le succès international que l’on connaît.
Au même moment, l’inventeur et chef d’entreprise Thomas Edison met au point en 1879 la première lampe à incandescence grâce à une ampoule renfermant un filament dans lequel passe le courant électrique. Dans son édition du 9 octobre 1881, L’Avenir républicain donne à ses lecteurs les détails de cette nouvelle façon de s’éclairer :

« Dès qu’on lance le courant dans la lampe, le filament en charbon végétal s’échauffe et devient lumineux, et d’autant plus que le courant est intense.
Le vide étant fait dans l’œuf, il ne se produit aucune combustion, et le filament reste intact. Il subit pourtant, à la longue, une modification moléculaire, qui finit par le mettre hors service.
Mais ce n’est qu’au bout de 1 000 ou 1 200 heures (7 à 8 mois, à 5 heures d’éclairage par jour) qu’il faut le remplacer, ou, autrement dit, renouveler la lampe ; or, le prix de fabrique de chaque lampe n’est que d’un shelling (1 fr. 25). »

L’Avenir républicain 9 octobre 1881

Grâce au moteur électrique, à la dynamo, au télégraphe, au téléphone, à l’ampoule, les techniques de production dans les usines et la vie quotidienne allaient connaître une révolution sans précédent !
De nombreuses autres inventions allaient impacter en profondeur la société, qu’il s’agisse des premières centrales électriques, des ondes radios, des rayons X, de la création du métro ou de l’électrocardiogramme… L’innovation industrielle n’a cessé depuis de progresser toujours et encore avec l’électricité solaire, éolienne et géothermique, les piles à combustible, le circuit intégré, les cartes à puce… jusqu’à Internet, qui n’aurait jamais vu le jour sans la fée électricité ! Et ce n’est pas fini : le projet international Iter, implanté à Cadarache en Provence, expérimente actuellement la fusion nucléaire – l’un des plus grands défis technologiques et humains.

Pour en savoir plus :
Denis Guthleben, CNRS, Rêves de savants, Armand Colin, 2011
Gérard Borvon, Histoire de l’électricité : de l’ambre à l’électron, Vuibert, coll. « Va savoir ! », 2009

Illustrations :
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9011372d
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53143870p.r=electricit%C3%A9?rk=622320;4
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https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10539184j/f118.item.zoom